Sous-financement des services policiers autochtones : le Canada débouté devant la Cour d’appel fédérale

Sous-financement des services policiers autochtones : le Canada débouté devant la Cour d’appel fédérale

Trois juges de la Cour d’appel fédérale rejettent la demande d’appel déposée par le Procureur général du Canada qui tentait de faire annuler la décision du Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) dans le dossier de la Sécurité publique de Mashteuiatsh. La décision rendue par le TCDP en 2022, qui confirmait que la mise en œuvre du Programme des services de police des Premières Nations (PSPPN) perpétuait de la discrimination systémique chez les peuples autochtones, est donc maintenue.

Rappelons que le dossier du financement des services policiers de Mashteuiatsh a été présenté sous deux angles différents devant les tribunaux, soit en droits civils et en droits de la personne. Dans les deux cas, les tribunaux ont donné raison à Pekuakamiulnuatsh Takuhikan. En novembre 2024, la Cour suprême du Canada a confirmé que les gouvernements ont manqué à l’obligation d’agir conformément à l’honneur de la Couronne dans la négociation des ententes de financement de la Sécurité publique de Mashteuiatsh.

Notons que le jugement de la Cour d’appel fédérale se distingue du jugement rendu par le plus haut tribunal au pays, puisque les deux instances analysaient des questions juridiques différentes. Toutefois, même si le dossier est analysé avec des critères et des angles différents, le constat est le même : la conduite des gouvernements en matière de financement policier autochtone est fautive. Selon les obligations constitutionnelles, cette conduite est abusive et déshonorante. En vertu des droits de la personne, cette conduite est discriminatoire.

Une deuxième audience devra se tenir devant le Tribunal canadien des droits de la personne pour définir quelles seront les réparations liées à son jugement. Pekuakamiulnuatsh Takuhikan espère que cette étape marquera la fin des démarches devant les tribunaux dans ce dossier. « Les démarches judiciaires sont presque terminées et nous sommes fiers de ne pas avoir baissé les bras dans ce dossier, alors que nous avons dû débattre à six reprises devant les tribunaux pour assurer la pérennité de nos services policiers. Nous espérons un réel changement de la part des gouvernements dans leur manière de négocier les ententes de financement des services policiers autochtones. », mentionne le chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, Gilbert Dominique.

Rappel des faits | Démarche devant le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP)

Le chef Gilbert Dominique a déposé une plainte en 2016 devant la Commission canadienne des droits de la personne au nom des Pekuakamiulnuatsh. Après une audience tenue en décembre 2020, le TCDP a rendu une décision le 31 janvier 2022 confirmant que la plainte était fondée et que la mise en œuvre du PSPPN perpétuait une discrimination systémique chez les peuples autochtones.

Une demande de contrôle judiciaire avait été déposée le 2 mars 2022 par le Procureur général du Canada et des audiences s’étaient tenues à l’automne 2022. La Cour fédérale conclut en février 2023 au bien-fondé de la décision rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne. Cette décision a été portée en appel par le Canada et des auditions se sont tenues devant la Cour d’appel fédérale le 20 février 2024.

Rappel des faits | Démarche en droits civils

En 2017, Pekuakamiulnuatsh Takuhikan a déposé une poursuite devant la Cour supérieure du Québec afin de récupérer le déficit accumulé de 1,6 million $ de la Sécurité publique de Mashteuiatsh causé par le sous-financement des gouvernements du Québec et du Canada. Après avoir reçu une décision défavorable, Mashteuiatsh a porté le dossier en appel.

La Cour d’appel du Québec a rendu un jugement unanime en décembre 2022 en faveur de Pekuakamiulnuatsh Takuhikan et a condamné les gouvernements à lui rembourser 1,6 million $. Elle a conclu que les gouvernements du Québec et du Canada agissent de façon indigne, déshonorable et abusive en matière de financement des services policiers autochtones.

Le Canada a payé sa condamnation au printemps 2023 et n’a pas porté en appel la décision de la Cour d’appel du Québec. Pour sa part, le Procureur général du Québec a porté l’affaire devant le plus haut tribunal du pays. La cause a été entendue devant la Cour suprême du Canada les 23 et 24 avril 2024 à Ottawa.

Dans une décision presque unanime (8 juges sur 9) rendue en novembre 2024, la Cour suprême du Canada a rejeté l’appel du Québec et a confirmé la décision de la Cour d’appel d’ordonner le paiement du déficit accumulé de 767 745,58 $ avec intérêts au taux légal et indemnité additionnelle.

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