Québec s’entête à agir en violation de son obligation constitutionnelle de consultation et d’accommodement

Malgré une promesse de coconstruction de l’éventuelle stratégie sur Atiku (caribou) formulée en mars 2023 par le gouvernement du Québec, par la voix de son ministre Benoit Charette, les déceptions continuent de s’accumuler du côté du Conseil de la Première Nation des Innus Essipit et de Pekuakamiulnuatsh Takuhikan (Première Nation des Pekuakamiulnuatsh). Les Premières Nations ne sont nullement conviées à participer à l’élaboration de la stratégie sur le caribou. Ainsi, leur recours contre le Québec intenté en février 2022, pour manquement en matière de consultation et d’accommodement entourant les enjeux de protection d’Atiku, franchira une étape importante à la fin du mois de novembre 2023 par la mise en état du dossier qui mènera à l’obtention d’une date de procès.

« Il est aberrant de constater que le gouvernement du Québec continue délibérément d’omettre de consulter et d’accommoder nos Premières Nations de façon adéquate et en temps opportun. À la fois le Québec multiplie les contradictions et va à l’encontre de sa parole, des engagements issus des mesures transitoires de l’Entente de principe d’ordre général, de la jurisprudence et même des fondements scientifiques ainsi que de nos connaissances et savoirs traditionnels. Nous avons investi des ressources humaines et financières importantes pour être écoutées et entendues. Or, nous avons été conviées à participer à des discussions qui demeurent toujours pour le moment stériles, qui ne ressemblent en rien pour nous à une consultation afin de protéger nos droits ancestraux », déplore Martin Dufour, chef de la Première Nation des Innus Essipit.

« Nous avons poursuivi nos efforts et gardé espoir, encore récemment, que le Québec agisse honorablement quant à ses manquements à l’obligation de consulter et d’accommoder. Il n’en est rien et il est déplorable pour nos Premières Nations de constater, et de l’aveu même du Québec, que nos propositions n’ont pas été considérées dans le cadre de l’élaboration du projet de stratégie. Pourtant, le Québec a l’obligation de nous consulter en amont, ce qu’il réfute en projetant maintenant une consultation publique de tout le monde en même temps. Cela est tout à fait inacceptable pour nous », souligne Gilbert Dominique, chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh.

Qui plus est, les Premières Nations concernées ont appris in extremis qu’une autorisation préalable du Conseil des ministres se posait comme étape préliminaire à la consultation des Premières Nations sur la stratégie, un fait nouveau totalement incohérent et inadmissible qui n’avait jamais été évoqué auparavant dans les discussions. Le Québec a toujours tenté de faire croire que le début des consultations était imminent, mais il n’en est rien. Tout tarde depuis trop longtemps : la consultation des Premières Nations, la stratégie, des actions immédiates en raison de l’urgence d’agir face aux menaces réelles sur Atiku. D'abord prévue pour 2019, la stratégie est sans cesse repoussée par le gouvernement du Québec, ce qui est totalement irresponsable.

Les Premières Nations demeurent fortement préoccupées devant l’évidence qui se pointe à l’horizon, soit le dépôt d’une stratégie insuffisante et inefficace qui privilégie l’industrie forestière, éloignée d’une volonté réelle de tenter de rétablir Atiku et son habitat, et qui ne tient nullement compte des enjeux et des droits autochtones, des titres ancestraux et de l’importance culturelle d’Atiku pour nos communautés.

Décret d’urgence fédéral

Ainsi qu’elles l’ont déjà indiqué, les Premières Nations concernées ont déjà interpellé le ministre fédéral Steven Guilbeault par le passé à l’égard de l’urgence de la situation et de la nécessité de mettre en place des mesures de protection concrètes et sérieuses touchant cette espèce en péril au Canada, notamment pour la harde du Pipmuacan. Une lettre avait été envoyée au ministre en mars 2022 à ce sujet, soit il y a plus d’un an et demi.

Les Premières Nations continuent de croire qu’une intervention du gouvernement fédéral pourrait permettre de pallier l’absence de mesures efficaces venant du Québec et ainsi protéger des zones essentielles à la survie et au rétablissement d’Atiku. Elles entendent suivre les prochaines démarches avec intérêt, parallèlement à leur dossier de recours contre le Québec.

Atiku au fondement du mode de vie des Innus

Les Innus et Atiku ont toujours évolué en harmonie sur le Nitassinan. Atiku a toujours été, de génération en génération, au fondement du mode de vie des Innus. Il est au cœur de l’identité et de l’innu-aitun (culture innue). Il occupait une place culturelle, alimentaire, sociale et spirituelle très importante. L’occupation du territoire reposait en grande partie sur la dépendance envers cette espèce. En raison de son déclin, la perte de ce lien étroit et privilégié avec Atiku entraîne une perte culturelle inestimable et met en péril les droits et les titres ancestraux des Premières Nations. Les Innus sont engagés activement dans la lutte pour la protection d’Atiku depuis plus de deux décennies.