Afin d’établir le profil sociolinguistique de notre Première Nation, l’unité administrative Tshitilniunnu de Pekuakamiulnuatsh Takuhikan a effectué un sondage en 2023 ainsi que des cercles de partage.
Cette démarche avait pour but d’établir le portrait linguistique des Pekuakamiulnuatsh habitant autant à Mashteuiatsh qu’à l’extérieur.
Objectifs du profil sociolinguistique
- Dénombrer le taux de locuteurs fluides (actifs) et silencieux (passifs) et d’apprenants du nelueun;
- Déterminer l’environnement d’utilisation du nelueun;
- Connaître les défis et l’intérêt individuel et collectif envers le nelueun;
- Permettre d’identifier les actions et les cibles pour le plan de revitalisation du nelueun;
- Identifier le degré de connaissance des outils et services actuels.
Collecte de données
Les données ont été recueillies par le biais d’un questionnaire en ligne complété de manière autonome par les participants ou avec l’aide d’un des 14 sondeurs en personne ou par téléphone. Les participants ont été sélectionnés de manière aléatoire afin d’obtenir un échantillon représentatif. Le taux de participation a été de 24,7 % chez les résidents représentant 309 personnes et de 13,3 % chez les non-résidents représentant 628 personnes. Le taux de réponse de la population ciblée a été considéré suffisant pour l’analyse des données. Concernant les cercles de partage, sept rencontres ont eu lieu où cinq questions ouvertes ont été discutées afin d’approfondir certaines réflexions. La plupart de ces rencontres ciblaient des clientèles particulières comme les jeunes de 14 à 17 ans, les femmes, les locuteurs silencieux alors que d’autres étaient ouverts à tous.
Résultats et analyses des données
Le sondage a permis de dresser le profil sociolinguistique sous plusieurs aspects tels que des données sociodémographiques, les types de locuteurs du nelueun, l’usage du nelueun, les domaines d’utilisation de la langue, l’enseignement et l’apprentissage du nelueun, les besoins exprimés, l’utilisation des services ainsi que les pistes d’actions.
Faits saillants du profil sociolinguistique
- À Mashteuiatsh, 50 % de la population parle, comprend ou apprend le nelueun alors qu’à l’extérieur de la communauté ce pourcentage est de 15 %. Parmi les résidents, 11 % se considèrent locuteurs fluides, 19 % locuteurs silencieux et 21 % apprenant du nelueun comme langue seconde.
- Une enquête similaire avait été réalisée en 1993. Le nelueun continue d’être appris comme langue première à la maison dans presque les mêmes proportions qu’en 1993, mais que cet apprentissage se fait de moins en moins en contexte monolingue. Les Pekuakamiulnuatsh sont donc plus nombreux (14 % contre 3,5 % en 1993) à apprendre le nelueun en même temps que le français dès la petite enfance.
- La moitié des locuteurs fluides est âgée de 56 ans et plus et 18 % d’entre eux ont 75 ans et plus. Aucun répondant de 18 à 25 ans s’auto-identifie comme locuteurs fluides.
- Les locuteurs silencieux sont représentés dans toutes les tranches d’âge. Environ 60 % d’entre eux ont une bonne ou très bonne compréhension de la langue et 35 % déclarent avoir une compréhension moyenne. Pour ce qui est de la capacité à s’exprimer oralement, 50 % considèrent avoir une capacité moyenne.
- La majorité des locuteurs fluides (77 %) parle toujours ou souvent en nelueun. Or, un pourcentage non négligeable de 20 % déclarent l’utiliser seulement parfois. Les raisons évoquées pour cette utilisation fragmentaire de la langue sont le manque d’occasions de fréquenter d’autres locuteurs et l’isolement de certains aînés.
- Pour ce qui est des locuteurs silencieux, seulement 8 % le parlent souvent, 30 % parfois et 55 % rarement. Parmi les raisons invoquées, on retrouve des blocages, la gêne, la peur de se faire juger par les locuteurs fluides ou de mauvais souvenirs associés à des moqueries ou du dénigrement.
- On remarque également que le domaine privilégié d’utilisation du nelueun est au sein de la famille. Les répondants déclarent que les principales personnes à qui ils s’adressent en nelueun sont les aînés en général (78 %), les membres de la famille (66 %), les amis (49 %) et les enfants (42 %).
- Le nelueun ne semble pas être assez présent dans le milieu scolaire où les autres matières seraient considérées plus importantes. Les jeunes aimeraient que le niveau de nelueun enseigné à l’école soit plus avancé afin de pouvoir s’exprimer.
- Les apprenants adultes souhaitent des méthodes d’enseignement qui visent l’expression orale fluide (des phrases versus des mots) avec une emphase sur la prononciation plutôt que sur l’écriture.
- La moitié des répondants qui ont participé au programme Eitinanu (programme d’immersion scolaire) se considère aujourd’hui comme locuteur fluide.
Besoins et quelques pistes d’actions
Certains besoins ont été exprimés dont le besoin d’entendre la langue ainsi que de créer des lieux d’échange afin de favoriser un noyau de locuteurs mobilisés. Plusieurs pistes d’action ont été soulevées, tel que la création de programme de jumelage entre un locuteur fluide et un apprenant ou un locuteur silencieux, des cours intensifs pour toutes les générations avec de l’immersion en territoire, des activités communautaires pendant lesquelles il serait possible d’utiliser le nelueun et des activités intergénérationnelles qui permettraient aux familles de concilier l’apprentissage de la langue avec la vie familiale. Une priorité devrait être accordée aux locuteurs silencieux et aux enfants ou adolescents. Les locuteurs silencieux peuvent rapidement devenir des locuteurs fluides s’ils dépassent certains blocages et consacrent du temps à la pratique de la langue alors que pour les enfants et adolescents, ils constituent l’avenir du nelueun.
Enfin, les Pekuakamiulnuatsh sont très attachés à leur langue et ils sont conscients de sa fragilité et du fait que le français gagne du terrain même dans l’espace sacré qu’est le foyer. Les aînés vieillissent et partent avec ces connaissances précieuses que les nouvelles générations veulent protéger pour en assurer leur transmission. Cette volonté de transmission, ce désir de faire vivre leur langue et de renforcer ainsi leur identité ilnu est au cœur des réponses recueillies lors de cette consultation. Les Pekuakamiulnuatsh sont prêts à redonner sa place au nelueun au sein de la Première Nation et à s’impliquer individuellement et collectivement pour atteindre cet objectif.
La prochaine étape vise à élaborer et mettre en œuvre une stratégie afin d’augmenter le nombre de locuteurs par le biais d’un plan de revitalisation.
Pour plus d’informations concernant le profil :
Christine Germain, conseillère ilnu-aitun mak nelueun
christine.germain@mashteuiatsh.ca ou par téléphone au 418 275-5386 poste 1393.